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C’est l’histoire d’un esclave noir des états du sud, qui réalisa l’une des plus audacieuse évasion de la Guerre de Sécession.
C’est en Caroline du Sud, que Robert Smalls voit le jour le 5 avril 1839, dans la ville de Beaufort. Sa mère, qui est une esclave domestique, accouche dans une maison de maître surplombant les vastes plantations de coton. Le père de Robert, n’est pas identifié avec certitude, mais certains historiens pensent qu’il pourrait être un membre de la famille McKee, ou un autre homme blanc de l’entourage de la plantation. Rien ne sera officialisé. Mais ce qui est certain, c’est que la famille McKee va favoriser le jeune Robert au détriment des autres enfants esclaves. Au fil du temps, bien que Robert grandit dans un monde divisé, où il observe à la fois la vie des Blancs privilégiés, et celle de sa vie réduite à la servitude, il développe dès son plus jeune âge, un esprit vif et un désir ardent de liberté. Et ça malgré qu’il soit enchaîné par les réalités cruelles de l’esclavage. Le gamin travaille comme domestique jusqu’à l’âge de 12 ans. Sa mère, voulant lui inculquer une leçon sur les dangers et la dureté de la vie d’esclave, s’arrange pour qu’il soit envoyé dans les champs pour travailler. Un peu plus tard, elle demande à McKee de permettre à son fils Robert de se rendre à Charleston pour être recruté. Encore une fois, son souhait sera exaucé. John McKee, envoie le jeune garçon en ville, où il débute comme serveur à l’hôtel Planter. Il est autorisé à conserver 1 dollar de son salaire par semaine. Et le reste est envoyé à son maître. À 17 ans, il commence à travailler sur les quais comme débardeur, puis sur divers navires. C’est là qu’il devient amoureux de la mer et apprend à manœuvrer les bateaux. Une compétence qui, bien plus tard, changera sa vie, et celle de nombreux esclaves. Très vite, il se fait remarquer par son intelligence et son charisme. Robert se lie d’amitié avec John Simmons, un commerçant spécialisé dans les fournitures navales et propriétaire d’une flotte de petits navires. Sous la tutelle de Simmons, il devient un timonier expérimenté, reconnu pour sa mémoire photographique des voies navigables.
Pendant cette période il rencontre sa future femme Annah, qui est employée dans l’un des hôtels de Charleston. C’est aussi une esclave appartenant à une autre famille. Avec l’autorisation de leurs propriétaires, ils s’installent pour vivre ensemble dans un appartement, où ils auront deux enfants, Elizabeth et Robert Junior.
Smalls va demander aux propriétaires de sa femme s’il peut acheter sa famille à part entière. Ils acceptent, mais fixe à 800 $ la somme de cette transaction. Un prix très élevé pour Robert qui n’a alors que 100 $ d’économies en poche.
Il pense alors : “Combien de temps cela va-t’il me prendre pour économiser 700 $, je n’y arriverai jamais dans ma condition actuelle, je dois trouver une solution !”. Mais il promet à sa femme qu’ils s’échapperont un jour de l’esclavage.
En 1860, un nouveau modèle de navire à vapeur est construit à Shem Creek près de Charleston. Il est baptisé le “Planter”.
Les deux roues à aubes latérales, utilisent un moteur oscillant qui permet au navire de tourner tout en restant en position stationnaire. Cela donne la capacité de manœuvrer dans les rivières et les criques étroites. Bob Smalls, alors âgé de 21 ans, devient le pilote du navire.
Après la sécession de la Caroline du Sud, la Confédération récupère le Planter et l’utilise pour transporter des troupes et du matériel dans la région de Charleston.
Les Confédérés, qui veulent préserver l’esclavage et la suprématie blanche, fortifient leurs positions. En tant que pilote, il aide à poser des mines et d’autres obstacles dans le port. Bien qu’il soit officiellement l’esclave du capitaine blanc, Robert prend de plus en plus de responsabilités, et devient le pilote non-officiel du navire.
Les jours et les semaines se passent. On s’observe, on se jauge. En réalité, dans cette crise, ni le nord ni le sud ne veulent être le premier à déclencher une guerre dont tout le monde ignore encore les conséquences.
Et coup du sort, pour Robert et les habitants de Charleston… C’est chez eux que la Guerre civile éclate le 12 avril 1861. A 4h30 du matin, un général de l’armée des États confédérés donne l’ordre d’ouvrir le feu sur le Fort Sumter. A l’intérieur la petite garnison restée fidèle au gouvernement fédéral, résiste 2 jours. Puis capitule le 14. Le fort est conquis par l’armée sudiste, et Charleston devient un site stratégique.
Au cours des mois qui suivirent, les forces de l’Union réussissent à établir une tête de pont près de Beaufort à Port Royal. Le général américain David Hunter émet un ordre de libération des esclaves de Caroline du Sud, et de Géorgie. Robert qui en prend connaissance, vit là une opportunité d’évasion.
Il faut savoir que robert est un excellent imitateur. Et souvent il se pavane sur le pont du Planter déguisé avec l’uniforme de son supérieur. Et un soir un membre noir de l’équipage, lui fait observer qu’il ressemble beaucoup au capitaine blanc du navire. Grâce à cette remarque, il lui vint un plan d’évasion très audacieux. Non seulement il rêve de s’échapper, mais aussi d’emmener sa famille et d’autres esclaves.
Son projet est à la fois dangereux à l’extrême et ingénieux. Parce qu’il compte s’emparer du Planter et franchir les lignes du blocus nordiste.
Le 13 mai 1862 à environ deux heures du matin, il met son plan en action… L’équipage invente un stratagème pour que les trois officiers blancs du Planter descendent à terre pour la nuit. D’abord il enfile le chapeau de paille et l’uniforme familiers du capitaine. Un peu plus tard, Robert demande à tout le monde de se préparer pour faire démarrer le bateau. Et pour ne pas éveiller les soupçons, il fait hisser les drapeaux de la Caroline du Sud et de la Confédération. Ensuite il exécute la manœuvre pour s’éloigner du quai. L’opération est tellement culottée, que la sentinelle de garde, ne voit que du feu. La première étape est réussie. Ensuite, comme le plan prévoit un rendez-vous vers un lieu secret convenu avec les proches des membres de l’équipage, Robert s’y dirige discrètement. En se rapprochant de l’endroit, il ralentit pendant qu’un marin envoie le signal lumineux. Et dans l’obscurité une lampe répond. Le Planter stop ! Et ils font monter rapidement les dix-sept personnes sur le navire. Une fois certain que tout le monde est à bord, Robert redémarre et navigue lentement pour sortir du port de Charleston.
De l’autre côté du fleuve se trouve l’armée du Nord, et la liberté pour les esclaves comme lui. De son côté se trouve l’armée Sudiste et son maître. En plus Robert sait que John McKee ne lui donnera jamais sa liberté.
Smalls et ses hommes n’ont aucune intention d’être pris en vie. Soit ils s’échappent, soit ils utilisent toutes les armes à feu et munitions pour combattre, et, si nécessaire, ils couleront leur navire. « Alors plutôt mourir que de se rendre ». Trois heures du matin ! Smalls croise un navire confédéré, et pour jouer le jeu, il va même se permettre de siffler pour le saluer. Sur l’autre navire, comme tout paraît normal, ils lui répondent à leur tour. Le coup de bluff a fonctionné !
Tout en dirigeant le navire calmement, il s’approche de l’îlot du Forts Sumter. Et pour éviter toute suspicion de la part des vigiles, il donne le signal correct… Et attends ! Il sait que les puissants canons du fort pourraient facilement faire exploser le navire. La réponse arrive… Et il est autorisé à passer. Résistant à l’envie de faire route à toute vitesse, Smalls dirigea calmement le Planter vers la flotte de l’Union. Mais lorsque le commandant de la Forteresse comprend que le navire se dirige vers l’ennemi… Il ordonna aux canonniers de tirer sur le Planter.
Smalls réagit et manœuvre à pleine vitesse. Gardant son sang froid malgré les boulets qui fusent autour du navire, il fonce coûte que coûte vers la liberté. Le Planter est enfin hors de portée des canons. C’est un véritable soulagement ! Mais ils ne sont pas tirés d’affaires pour autant. Parce que les navires nordistes présents dans la zone, voyant arriver ce navire confédéré vers eux, se préparent à ouvrir le feu. Robert s’en rend compte et alerte ses compagnons. C‘est alors que son épouse Hannah sauve la situation, avant que les navires fédéraux ne puissent tirer. Elle fait accrocher précipitamment un drap blanc au mât du navire en signe de reddition. Heureusement que sur l’USS Onward, le capitaine nordiste aperçoit le signal à temps et stop les opérations de représailles. Le Planter se retrouve maintenant sous contrôle de l’union.
Robert Small et ses passagers peuvent enfin respirer. Ils sont sauvés. Les commandants en charge du blocus de l’Union furent stupéfaits de cette escapade audacieuse. Ils furent encore plus impressionnés par les quatres canons transportés par le navire. Et en plus d’apporter sa propre liberté et celle de son équipage, il livre aux Nordistes le Planter, des cartes, un livre de codes confédérés, des munitions, et une connaissance précise des positions sudistes autour de Charleston. Une vraie mine d’or d’informations, pour l’union ! Cet exploit fait rapidement la une des journaux à travers le pays. Il devient instantanément un héros dans le Nord, et une légende vivante parmi les esclaves encore enchaînés dans le Sud.
La confédération, choquée par cette évasion, mit une prime de 4000 dollars sur la tête. L’ancien esclave fut invité à rencontrer le président Abraham Lincoln. En 1862, le président hésite encore à autoriser les esclaves libérés à se battre pour l’Union. Il craint que les États frontaliers rejoignent la Confédération s’il libère les esclaves vivant dans ces territoires.
Mais peu de temps après avoir rencontré Robert Smalls à la Maison Blanche et en avoir appris davantage sur son histoire, Lincoln décide d’autoriser les Noirs libres à s’enrôler dans l’armée. Les forces de l’Union disposeront ainsi d’un important bassin de recrues.
En 1863, il prend le commandement du Planter après que le capitaine officiel est fui par peur d’un bombardement confédéré. Grâce à son habileté, et à son courage, il réussit à mettre le Planter en sécurité. Le capitaine fut traduit en cour martiale, et Robert Smalls devient le premier et le seul Afro-Américain capitaine, que l’United States Navy, ait eu pendant le XIXe siècle.
Par la suite il s’implique personnellement de la formation des 1er et 2e régiments de l’United States Colored Troops. Brillant marin et stratège, Bob Smalls se lancera dans de nombreuses opérations militaires. Il est aussi recruté par le service de renseignements de l’US Army.
Smalls, en tant qu’orateur public éloquent, attire de grandes foules, et son caractère exceptionnel inspire le large soutien du public qui encourage Lincoln à ratifier la Proclamation d’émancipation.
Le 9 avril 1865, le conflit prend fin, avec la victoire de L’Union. Et le 15 au soir à Washington, alors qu’il assiste à une pièce au théâtre Ford en compagnie de son épouse… Abraham Lincoln est assassiné par un sympathisant de la cause confédérée…
Après un voyage en train funéraire, il sera enterré à Springfield, dans l’Illinois. C’était le choix de Lincoln. Et le vice-président Andrew Johnson devient le 17ème président des Etats-Unis.
Après la guerre, Robert Smalls retourne à Beaufort, où il achète la maison de son ancien maître en utilisant une prime payée par le gouvernement, en récompense pour le Planter.
Jane McKee devenue veuve et laissée sans ressources par la guerre, était l’ancienne maîtresse blanche de la maison.
Robert lui accordera l’hospitalité, et la logera dans une partie de cette maison, pour le reste de sa vie. C’est une revanche symbolique sur l’injustice de son passé d’esclave.
Sa vie après la guerre est tout aussi remarquable. Il devient une figure clé de la “Reconstruction”, une période tumultueuse de réintégration du Sud dans l’Union après la guerre. En 1868, il est élu à la Chambre des représentants de Caroline du Sud. Il se bat pour les droits des Afro-Américains, en défendant l’éducation gratuite et obligatoire, ainsi que l’égalité raciale devant la loi.
En 1874, à 35 ans, il est élu au Congrès des États-Unis, où il servira pendant cinq mandats non consécutifs. Là, il continue de plaider pour les droits civiques, même face à la montée du racisme et de la violence du Ku Klux Klan. Il est aussi l’un des fondateurs du Parti républicain de Caroline du Sud.
En 1883, sa femme Hannah décède, et Robert se retrouve veuf. Robert est bien plus qu’un simple esclave devenu libre, il est l’incarnation du courage et de la résilience. Un pionnier pour les droits civiques avant l’heure.
A 76 ans, Robert Smalls souffrant de paludisme et de diabète, s’éteint dans sa maison le 23 février 1915, celle-là même où il était né esclave.
Il fut enterré à Beaufort et sa pierre tombale porte l’inscription d’une déclaration qu’il fit à l’assemblée législative de Caroline du Sud en 1895.
Je cite : “Ma race n’a pas besoin de défense spéciale, car l’histoire passée de ses habitants dans ce pays prouve qu’ils sont les égaux de tous les peuples du monde. Tout ce dont ils ont besoin, c’est d’une chance égale dans la bataille de la vie.”
Jusqu’à la fin, il a cru en un avenir meilleur pour les Afro-Américains, et a consacré sa vie à cette cause. Son héritage est vaste ! Il a prouvé par son action que l’intelligence, le courage et la détermination, pouvaient défier même les chaînes les plus oppressantes de l’esclavage.
Le parcours de cet homme montre qu’aux moments les plus sombres, des héros comme lui pouvaient changer le cours de l’histoire.
Emmanuel HERMAIN – 4 novembre 2024
Written by: A VLB
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