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« Il y a 118 ans, le 10 mars 1906, une tragédie d’une ampleur épouvantable a secoué le nord de la France. La catastrophe de Courrières restera gravée dans les mémoires, comme l’un des pires accidents miniers jamais enregistrés en Europe ».
Mais tout d’abord, revenons aux origines du charbon.
Sa formation remonte il y a, 350 millions d’années, au cours de l’ère carbonifère. Le charbon, est la conséquence directe, de la mort d’immenses forêts de fougères, et d’autres espèces de végétaux, qui se retrouvent enterrées dans les marécages, pendant une très longue période. Comme le pétrole et le gaz naturel, c’est une énergie fossile. C’est une roche essentiellement composée de carbone. Elle peut être d’origine végétale ou minérale. La houille, ou charbon de terre, est utilisée depuis le Moyen âge, au Nord Pas-de-Calais, dans le Boulonnais, où le gisement se trouvait en surface.
En 1713, le Valenciennois devient français. Et pour éviter les taxes d’importation, l’idée d’exploiter le charbon local a germé. Et 3 ans plus tard, en 1716, avec l’approbation du Roi Louis XV, une compagnie fut formée, marquant le début d’une ère industrielle fulgurante. La découverte du charbon à Fresnes, puis à Anzin, dans le nord, a transformé l’économie locale, propulsant une croissance démographique et urbanistique sans précédent. La Compagnie d’Anzin, fondée en 1756, est la première mine à dépasser le stade de la production artisanale. Elle fera figure de modèle. Elle emploiera plusieurs milliers de personnes, et possèdera 40 puits. Ce sera la plus puissante entreprise du pays.
C’est à cette période, que la formation de hameaux, regroupant des corons autour des puits et des églises, débuta. Les compagnies de Courrières, Lens, Béthune et Bruay, en pleines prospérités, font de ce Bassin minier Français, le plus vaste, juste après celui de la Ruhr en Allemagne. Le gisement souterrain s’étend sur 120 km de long, 12 km de large et plonge à 1200 m sous terre. Mais cette prospérité avait un prix. Les conditions de travail dans les mines étaient impitoyables. Hommes, femmes et enfants travaillaient dans des conditions dangereuses, confrontés à des horaires éreintants. Au début de l’exploitation minière, femmes et enfants étaient employés au fond, notamment dans le Nord-Pas-de-Calais et en Belgique. Au début du 19e siècle, 5000 femmes y travaillaient. La production s’intensifie au moment de la révolution industrielle. Il faut alors organiser l’extraction pour produire les quantités toujours plus importantes réclamées pour le fonctionnement des machines à vapeur.
À la fin du 19e siècle, parmi les dix plus puissantes compagnies minières du pays, huit sont du Nord-Pas-de-Calais. Au fil des années, les conditions de travail continuent de se dégrader, et les mineurs commencent à se plaindre des dangers croissants auxquels ils sont confrontés. Ils alertent à maintes reprises la direction de la compagnie minière. Le 28 novembre 1905, Pierre Simon, un délégué mineur, tire la sonnette d’alarme, dans son rapport d’inspection. « Les délégués mineurs ont pour mission de surveiller les installations de la mine, enquêter sur les accidents et accompagner les ingénieurs lors de leurs tournées. » Dans cette mine, cinq puits répartis sur quatre fosses assurent l’aération. Certains servant d’entrées d’air et d’autres de sorties. Et Pierre Simon souligne le manque d’air, l’accumulation des poussières de charbon, et insiste sur l’urgence d’arroser pour réduire les risques.
Malgré ses avertissements répétés, sur les fissures, les infiltrations d’eau et les problèmes de ventilation. Les responsables ignorent ses alertes. La priorité est souvent donnée aux profits plutôt qu’à la sécurité. Les 16 et 17 février 1906, Pierre Simon recommande vivement de cesser toute descente d’ouvriers. Le temps d’améliorer l’aération des galeries. Le 6 mars, un incendie éclate dans la “Veine Cécile” de la Fosse 3. « Il faut savoir que les mineurs utilisaient une variété de prénoms, qu’ils soient masculins ou féminins, pour désigner les différentes veines de charbon. L’objectif principal, était de rendre l’identification des veines plus facile et plus conviviale pour les mineurs ». Le foyer est aussitôt signalé par un palefrenier. Ce gamin a remarqué un épais panache de fumée, et a de suite donné l’alerte. Mais malgré cet avertissement, les mesures correctives tardent à être prises.
La direction de la compagnie minière a la responsabilité de veiller à la sécurité des travailleurs. Mais des négligences et des économies de bouts de chandelles, semblent régner au sein de cette société. Il y a vraiment une inconvenance humaine entre direction et ouvriers. Pourtant dans le monde de la mine, la solidarité, la fraternité et la politesse ne perdent pas ses droits au fond. Ingénieurs, Porions, et ouvriers, tous se donnent un respectueux salut, quand ils se rencontrent à l’arrivée.
Le mineur César Danglot, raconte dans ses mémoires :
« Que lorsqu’on est enfoui à trois cents mètres et plus sous terre, la fraternité s’impose, on se considère comme camarades et comme soutiens réciproques. Les distances sociales n’existent plus. Il n’y a ni grands, ni petits, en réalité, on est tous petits, et bien impuissants face de l’imprévu redoutable, que l’on trouve, dans la poussière et les ténèbres. »
4 jours plus tard, le 10 mars, 1800 ouvriers sont déjà descendus travaillés. Une journée ordinaire pour ces mineurs. Seulement à 6h30 du matin, le cataclysme, celui tant redouté par les gueules noires, se produit. Une déflagration gigantesque, déchire le silence des galeries, engloutissant les mineurs dans un tourbillon de poussières et de terreur. L’explosion du Grisou provoque une série d’autres détonations, plongeant les travailleurs dans un désastre sans précédent. Le grisou, ce gaz de houille, s’était insidieusement accumulé dans les galeries. La cause, une étincelle probablement issue d’un équipement électrique défaillant, ou d’un simple contact entre un outil et une pierre. Sur 110 kilomètres de galeries, l’explosion se propage sans relâche, semant la mort et la destruction. Aucune mesure de prévention n’avait anticipé un tel scénario.
Les conséquences sont dévastatrices. Des tonnes de roches s’effondrent, obstruant les voies d’accès et emprisonnant de nombreux mineurs sous terre. Les survivants luttent dans l’obscurité, suffoquant dans la fumée et les vapeurs toxiques. Certains sont blessés, d’autres gisent déjà sans vie ou agonisent. Des centaines d’hommes et des chevaux se trouvent ainsi pris au piège sous terre, ensevelis sous les débris. L’ampleur de la catastrophe est terrifiante, et la nouvelle se répand comme une onde de choc, dans toute la région, plongeant les communautés dans l’effroi et la désolation. Dès que la nouvelle est connue à la surface, une mobilisation massive des secours est lancée.
Dans ce chaos infernal, seulement quelques centaines de mineurs parviennent à échapper à l’enfer en remontant par les puits. Pierre Simon et le Chef Porion Sylvestre se précipitent vers les puits, le cœur serré par l’angoisse. Pendant ce temps, l’ingénieur en chef Auguste Bar parcourt les décombres, évaluant les dégâts, tandis que des appels déchirants résonnent dans les galeries. Les heures suivant la catastrophe, l’inspecteur général du Service des Mines, Frédéric De Lafond, arrive sur les lieux, tandis que l’autre ingénieur en chef, Gustave Léon, prend en charge les opérations de sauvetage.
Face à l’urgence, les secours se mobilisent rapidement. Les équipes se dirigent vers les puits avec tout le matériel disponible : des lampes, de l’oxygène, des brancards et des outils de secours. Les médecins, les pompiers et des volontaires affluent également vers le site. Mais, les nombreux débris bloquent les chemins, compliquant les efforts acharnés des secouristes. Malgré les dangers omniprésents, des sauveteurs s’aventurent dans les galeries effondrées, à la recherche de survivants. Ils se déplacent avec une grande prudence, car ils craignent de déclencher de nouvelles explosions. La communication entre les équipes est compliquée, à cause de l’obscurité et des obstacles. Mais leur détermination reste forte.
Sous la direction de l’ingénieur des mines Félix Faure, un homme expérimenté, les opérations de sauvetage avancent avec sang-froid. À 21h30, Pierre Simon et des miraculés sont remontés, mais d’autres tentatives de sauvetage tournent au drame, laissant dans leur sillage le chef Porion Sylvestre et un mineur, tous 2 succombant, asphyxiés par les gaz. Le 11 mars, Pierre Simon parvient à obtenir l’autorisation d’une nouvelle exploration de la Fosse. Pendant que les heures passent, l’angoisse envahit les familles des mineurs, attendant fébrilement des nouvelles. Des campements émergent à la surface, dans l’attente impuissante et d’un soutien. Jour après jour, les secours travaillent sans relâche, éclairant les ténèbres de leurs lampes à acétylène, et protégeant leurs vies avec des appareils respiratoires rudimentaires. Chaque instant est précieux, chaque souffle est compté, alors que l’oxygène se raréfie et les chances de survie s’amenuisent.
Malgré tous ces efforts, de nombreux mineurs sont retrouvés sans vie, succombant à leurs blessures et à l’inhalation de gaz toxiques. Les secours se poursuivent jour et nuit, mais l’espoir de retrouver des survivants diminue à mesure que le temps passe. Pourtant, quelque part à plusieurs centaines de mètres dans les entrailles de la terre, des hommes se battent pour leur survie. Parmi eux, César Danglot, âgé de 28 ans, qui avec ses 12 camarades, lutterons 20 jours et 20 nuits, au milieu de cet enfer, et dans l’obscurité totale. La faim, la soif, l’épuisement, le manque d’oxygène, le désespoir, ont accompagné ces hommes pendant leur calvaire. Mais César Danglot a réussi, avec une force de caractère incroyable, a motivé ses compagnons, dont certains auraient sans doute déjà abandonné, sans sa ténacité. A force d’efforts surhumains, ces mineurs, dont personne en surface ne soupçonnait le calvaire, réussirent le 30 mars à trouver une sortie, en remontant par la fosse n°2. La surprise et l’émotion vécues par la communauté, les familles et les sauveteurs qui les prirent en charge, se transforma en espoir. Oui, il y a certainement d’autres mineurs dans les galeries, qui pourront être encore sauvés.
Après plusieurs semaines de travail acharné, les dernières victimes sont enfin extraites des décombres, mettant fin à l’angoisse des familles et des proches. La catastrophe de Courrières a fait 1099 victimes parmi les 1800 mineurs, présents ce 10 mars. Mais le nombre réel de victimes est probablement plus élevé, en raison des travailleurs non déclarés. Cette catastrophe a profondément marqué la région. Après les funérailles, le mécontentement et la colère contre la compagnie de Courrières s’intensifient parmi la population. Elle mit en lumière les conditions de travail déplorables des mineurs. Ce qui poussera les ouvriers à réclamer des réformes, afin d’assurer la sécurité et le bien-être des travailleurs. La grève s’étend rapidement dans les bassins miniers du Nord et d’Anzin, avec près de 60 000 grévistes au pic du mouvement. En cette année 1906, les luttes intersyndicales donnent une dimension particulière à cette grève. Face à cette agitation, Georges Clémenceau, à l’époque au pouvoir, fait intervenir les forces de l’ordre. Des affrontements violents et de nombreuses arrestations furent employées sur les grévistes. Rajoutant détresse et injustice aux familles. Cette répression soumit ces pauvres ouvriers, à la reprise du travail, leur laissant un goût amer et un sentiment de désarroi. Tous ces héros anonymes qui ont risqué leur vie pour sauver leurs camarades, devaient être honorés, et commémorés pour leur courage, et leur dévouement sans faille.
Emmanuel Hermain – 13 mai 2024
Written by: admin
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