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Sur plusieurs millénaires, du Honduras au Yucatàn, les Maya ont dominé toutes les autres civilisations d’Amérique centrale, par sa durée et son rayonnement. Son apogée se situe entre le 2ème et le 8ème siècle après J.C. Grâce à ses avancées, dans des domaines tels que l’éducation, l’art, l’agriculture, les mathématiques et l’astronomie, elle s’est élevée parmi les cultures les plus marquantes d’Amérique, aux côtés des Aztèques plus au nord et des Incas plus au sud. Malgré une langue et une religion communes, cette civilisation était en réalité fragmentée en de nombreuses cités-états distinctes. Ce n’est que bien plus tard, lors de son déclin, que les Espagnols entreprennent la conquête de leurs territoires.
Quand le 12 octobre 1492, Christophe Colomb atteint l’archipel des Caraïbes, cette étape, marquera le début d’une série d’expéditions visant à explorer ce nouveau monde. Très vite après ce premier voyage, les Espagnols commencent à explorer et à coloniser le continent. Et bientôt d’autres Européens emboiteront le pas. Toutes ces incursions, se feront bien évidemment, au détriment de ses habitants autochtones, que Colomb avait baptisés « Indiens ».
19 ans plus tard, Le 15 mars 1511, un navire de la Couronne hispanique, appareille depuis une petite ville située dans l’actuelle Colombie, pour faire voile en direction de Saint-Domingue.
Cependant, au matin du troisième jour de navigation, une violente tempête éclate. Pendant sept jours, le pilote tente de tenir le cap et lutte contre cette mer déchaînée. L’équipage assiste même au spectacle insolite, de poissons volants, sautant sur le pont du navire. Pour les marins, ce signe est un très mauvais présage. Et leurs craintes se confirment malheureusement. Le 22 mars, le navire finit par faire naufrage au large de la Jamaïque. Evidemment les conséquences sont dramatiques. Parmi tous l’équipage, seuls quinze hommes et deux femmes survivent. Ils réussissent à renflouer une embarcation précaire, dans laquelle ils s’embarquent sans eau ni nourriture. Parmi eux se trouvent Géronimo de Aguilar et le marin Gonzalo Guerrero. Un épais brouillard les isole complètement au début. Puis sous un soleil de plomb. Pendant quinze jours, sans aucun moyen de manœuvrer, ils vogueront au gré des courants marins. Certains tombent comme des mouches, morts de faim et de soif. Ils sont jetés à la mer, au fur et à mesure. Jerónimo de Aguilar, désespéré, tente même de se suicider avec une épée, mais il en a été empêché. Quand ils finissent par toucher terre, il ne reste qu’une dizaine de rescapés. Les survivants tombent inconscients sur le sable de la plage. Mais ils ne seront plus seuls longtemps. Ils sont réveillés, par des gens très étranges, parlant une langue inconnue. Leurs visages peints de rouge et de goudron, ornés de plumes colorées, sont inquiétants. Ils sont vêtus de pagnes, de sandales, armés d’arcs et de flèches, et portant chacun un bouclier.
Un clan Maya les avait découverts. Ils emportent tous les rescapés, et les conduisent le long d’un chemin à travers la jungle, jusqu’à la cité-État de Maní.
Ils passent devant des temples pyramidaux, des places et des maisons en pierre avec de hauts toits de cocotiers. Jusqu’ici, ils ont marché dans un état semi-inconscient. Mais la surprise finit par les réveiller complètement. Ils se retrouvent au milieu d’une clameur sans précédent, entourée par une foule excitée, grouillant dans les rues et les places pour leur arrivée. A la fin du parcours, Ils les déshabillent et les enduisent entièrement de peinture végétale d’un bleu intense. Puis ils sont regroupés dans une prison improvisée.
Au sommet et autour de l’une des pyramides, une cérémonie s’organise. Les Espagnoles, de leur cellule, observent la manifestation, sans en comprendre le sens. Eh bien, ils sont loin de se douter de ce qui les attend. Au bout d’un moment, deux guerriers viennent chercher le premier captif. Il est amené jusqu’à l’hôtel, allongé et maintenu de force par 4 prêtres, sur une table en pierre triangulaire.
L’un des prêtres prononce une allocution impressionnante, ensuite, il se saisit d’un poignard en silex et lui plante dans le torse. Le spectacle qui va suivre est si effrayant, que ces autres compagnons seront tétanisés d’horreur. On lui arrache le cœur à vif, et des parties sont distribuées et puis mangées par les participants. 4 autres personnes subiront le même sort, lors de ce rituel anthropophage.
De leur cage, les survivants voient avec effroi et terreur, leurs compagnons être exécutés, puis dégustés rituellement. La cérémonie qui a duré des heures, jusque tard dans la nuit se termine. Ils échappent à cette première fournée. Mais ils comprennent qu’ils sont destinés à de prochaines festivités sacrificielles, et on les gave à cet effet.
Mais Aguilar et Guerrero, veulent absolument échapper à cette mort horrible. Mourir pour mourir, autant que ce soit en s’échappant. Ils profitent de l’obscurité et du relâchement des gardiens, pour s’enfuir à toutes jambes. Après quelques jours de marche dans la jungle, se croyant hors de danger, ils attendent au loin, les bruits d’une autre tribu qui les ont pris en chasse. Pour augmenter leur chance, ils décident de se séparer. Guerrero s’enfonce plus profondément en territoire maya, et Aguilar prend une autre direction. Mais finalement il est repéré, puis vite capturé par une tribu rivale. Aguilar est emmené dans leur cité, mais cette fois, leur chef décide de l’épargner, et le prend comme esclave. Son heure n’était pas encore arrivée. Avec le temps, Aguilar adopte une attitude d’auto-préservation, il se plie aux ordres et observe une discipline stricte, comme le comptage précis des jours.
Pendant les trois premières années, il est condamné aux travaux forcés. Il doit porter du bois et de l’eau sur son dos, charrier du poisson de la mer, jusqu’à l’intérieur des terres, tout en circulant sur d’étroites voies pavées. Il s’adonne aux tâches en gardant un visage joyeux. Une manière de sauver sa vie. Ainsi, Aguilar, petit à petit, encourage la confiance des autochtones, en se soumettant à leur mode de vie. Puis, il gagne le cœur et la bienveillance de son maître. Il suscite même l’admiration, par sa chasteté, qu’il s’efforce de maintenir même lorsque des femmes lui sont offertes !
En homme d’église convaincu, il ne quitte jamais la vieille Bible qu’il a réussi à conserver. Implorant Dieu chaque jour, pour qu’il puisse retrouver les siens.
Mais le cas de Guerrero, qui a débarqué dans une autre tribu, prend une tout autre tournure. Comme Aguilar, il doit servir. Sa situation sera très différente au fil du temps. Il est vendu en tant qu’esclave, au chef d’une autre tribu, implantée plus au sud du Yucatán, dans la région de Chactemal. Un jour, lors d’une traversée de fleuve, un incident faillit coûter la vie à une personnalité qu’il servait. Au lieu de s’enfuir, il lui vient en aide, et réussit à le sauver des crocodiles, qui ne lui aurai laissé aucune chance. Après cet acte glorieux, en récompense, les Maya l’affranchissent de son statut d’esclave. Un lien fort les unis, et il adhère corps et âme, le mode de vie de ses hôtes. En plus, Il possède deux choses qui le rend particulièrement précieux pour les Mayas : l’expérience de la navigation en mer, et la connaissance de ces étranges hommes barbus, qui commencent à pénétrer sur leurs terres.
Et les Espagnols, les « hommes barbus », comme ils les nomment, les impressionnent. Or Guerrero sait qu’ils ne sont que de simples mortels…
Au fil du temps, L’Andalou devient un personnage de haut rang. Il accepte de nombreuses mutilations rituelles et des tatouages mayas. Devant conseiller militaire du seigneur de la tribu, il épouse la fille de celui-ci. Ce mariage qui passe pour être la première union entre un Européen et une Indienne, et leurs enfants, peut-être considéré comme les premiers métis à l’origine de la population actuelle du Mexique. Il s’intègre tellement qu’il permettras, pour mettre fin à une invasion de sauterelles, de sacrifier sa fille à Chichén Itzá, dans la grande ville et centre religieux de la péninsule du Yucatán.
Huit ans se sont passés depuis leur naufrage. Aguilar et Guerrero, vivent depuis, fondus au sein de cette civilisation qu’aucun Occidental n’avait jusqu’alors approchée.
Et vers la fin février 1519, sous une chaleur écrasante, le navigateur Hernán Cortés accoste, avec sa flotte de dix vaisseaux, à Cozumel. Cette île proche de la côte-est du Yucatán, est en plein pays maya. Son expédition vient de quitter la colonie espagnole de Cuba pour faire route vers la cité de Tenochtitlán, qui est la capitale de l’Empire aztèque, encore inconnue des Européens. Pour le conquistador, Cozumel n’est qu’une halte pour éclaircir un mystère.
Deux ans auparavant, en 1517, Hernández de Córdoba, qui fut le premier Espagnol à débarquer officiellement dans la région, avait été témoin, avant de mourir, de faits troublants.
A deux reprises, ses hommes et lui, avaient entendu des autochtones crier, Castillan ! Castillan ! Le Castillan est l’une des langues Espagnol.
Entendre ses mots pour les conquistadors étonnés, signifiât, que parmi les Maya, il y aurait la présence d’hispaniques au cœur de ce territoire, pourtant inexploré à l’époque. L’information, relayée jusqu’à Cuba, suscite l’étonnement des autorités coloniales. Prenant l’affaire très au sérieux, une expédition navale est organisée par les Espagnols. Il faut absolument connaître le fin mot de l’histoire. Et c’est Cortés qui se chargera de cette mission. Arrivé sur les lieux, celui-ci interroge les chefs mayas de l’île. Et Ils furent unanimes dans leurs réponses. Aussi surprenant qu’il n’y paraît, ils avaient bien connu des Espagnols. Ils donnent leur signalement et confirment, qu’à seulement deux journées de distance, dans l’intérieur du pays, des tribus les détiennent comme esclaves. C’était donc vrai ! Le conquistador fait envoyer des messagers indiens. En plus des lettres, il leur confie des objets de valeur, afin que les prisonniers puissent racheter leur liberté. Dans les lettres, Cortés demande à ses deux compatriotes, de le rejoindre d’ici à une semaine sur la côte. Les jours passent…
Et, au moment où les 500 hommes du conquistador s’apprêtent à poursuivre leur expédition en direction des Aztèques, l’incroyable se produit. Un grand canot accoste. A l’intérieur, plusieurs Mayas, cheveux tressés, vêtus de pagnes, armés d’arcs et de flèches. A la vue des soldats ibériques, tous retournent effrayés vers leur embarcation. Sauf un, Aguilar, qui hurle en Espagnol : « Messieurs, êtes-vous chrétiens ? »
La réponse est affirmative, alors avant de fondre en larmes, il s’écrie : « Dieu et sainte Marie de Séville !» Cortés se rapproche de lui, il est désormais certain que cet homme, qui a tous les traits d’un autochtone, est en réalité l’un des leurs. Il se demande intrigué. Comment un sujet du roi des Espagnes pouvait-il se trouver parmi les Mayas du Yucatán ? Comment a-t-il pu se fondre à ce point parmi eux, alors que les Espagnols commencent à peine à poser les pieds dans cette région ? L’homme, lui apprend qui s’appelle Gerónimo de Aguilar, et qu’il n’est pas tout seul. Un autre compatriote, du nom de Gonzalo Guerrero, se trouve aussi parmi les Mayas.
Cortés laisse Aguilar retourner auprès de son maître Maya, pour négocier sa propre libération. Elle lui fut accordée. A partir de là, il se déplaça jusqu’à l’endroit où vivait Guerrero. D’ailleurs ce ne fut aisé de lui parler au début, puisque que Aguilar était aux yeux des Maya, un esclave. Et un sous-homme, ne peut s’adresser à une personnalité importante comme était devenu Guerrero. Mais il le désigna comme une connaissance, et ils purent enfin échanger de vive voix. Aguilar lui présenta la lettre de Cortés. Après une lecture attentive, Guerrero lui annonce qu’il ne souhaite pas le suivre. Et les raisons sont évidentes ! D’abord sa femme, une princesse Maya, qui avait mis au monde leurs quatre enfants. Ensuite son statut s’était transformé, lui ouvrant un avenir confortable et heureux, au sein de ce peuple. Guerrero était effectivement devenu un Maya à part entière !
Son refus de rencontrer Cortés, scellera l’incroyable destin de ces deux hommes. Après avoir été unis dans le malheur, ils choisissent deux camps opposés.
Suite à cet ultime échange, les deux naufragés ne se reverront plus jamais. Dix ans auparavant, les deux compères ne se connaissaient même pas. Gerónimo, qui est né entre Séville et Cordoue, est un homme d’église. Gonzalo est un simple marin originaire de Palos. C’est d’ailleurs de ce port,que partit Christophe Colomb en 1492.
En 1509, comme beaucoup de leurs compatriotes, ils embarquent pour le Nouveau Monde. Ils sont entraînés par le formidable élan d’exploration, qui anime alors le royaume d’Espagne. En quête d’une vie meilleure, de fortune et de gloire pour Gonzalo, et pour Gerónimo, l’objectif d’y répandre la foi chrétienne.
Il a fallu vingt ans aux hispaniques pour conquérir le Yucatán. Alors qu’en seulement deux années, Cortés parvient à anéantir l’Empire aztèque. Il a su tirer parti de l’étonnement que suscitent sur les Indiens, le physique barbu des Espagnols, leurs armures métalliques, leurs armes à feu et leurs chevaux cuirassés. Il s’empare de Tenochtitlan le 13 août 1521, et sur l’emplacement de cette cité, il fondera la ville de Mexico. Et Gerónimo de Aguilar a joué un rôle crucial,dans cette chute rapide. Chez les Mayas, l’homme de foi avait appris à maîtriser leur langue. Un atout précieux pour Cortés qui lui avait demandé, après leur rencontre, de rejoindre son expédition maritime vers Tenochtitlán en tant que traducteur. Il accepta. Pour le chef conquistador, qui souhaitait mêler diplomatie, intimidation et conversion au catholicisme, pour lui, un tel homme était un don du ciel. Après sa victoire sur les Aztèques en 1521, Cortés remercia Aguilar, en lui accordant des terres au nord-est de la Nouvelle-Mexico. Il y mourut en 1531 à l’âge de 42 ans, entouré de ses esclaves qu’il traitait du mieux qu’il le pouvait. Comme leurs maîtres mayas l’avaient fait pour lui et Gonzalo Guerrero, vingt ans auparavant.
De son coté, Gonzalo Guerrero, devenu chef militaire, aurait servi de stratège lors de la lutte des Mayas contre les conquistadors. En 1527, c’est lui qui aurait organisé l’efficace guérilla contre les troupes de Francisco de Montejo Lequel aurait, comme Cortés auparavant, tenté d’envoyer une lettre au Castillan de la jungle pour le convaincre de le rejoindre. Sans succès. En 1532, c’est à nouveau l’ex-naufragé qui aurait chassé de la région de Chactemal le conquérant Alonso de Avila.
Finalement, le 13 août 1536, dans la baie du Rio Ulúa, dans l’actuel Honduras, il reçut un carreau d’arbalète dans le ventre, où il avait déjà été blessé par un tire d’arquebuse.
Ses hommes l’ont emmené hors du champ de bataille et l’ont caché derrière des palmiers. Avant de mourir, Il a demandé à ses proches de prendre soin de ses fils et, pour le reste de ses hommes, plus d’un millier, de continuer à se battre. Il avait 66 ans. Mais les Espagnols remportèrent la victoire. Et malheureusement, les Mayas ont dû battre en retraite et le corps de Guerrero a été laissé dans le camp ennemi. Un grand chef autochtone fut capturé, et ce dernier indiqua que parmi les morts de son camp figurait un Maya d’adoption, un Espagnol, tué par un tir d’arquebuse… Certains Espagnols auraient par la suite affirmé l’avoir vu tatoué et habillé comme un Indien, mais barbu. Pendant la nuit, certains de ses hommes ont sauvé son corps et en guise d’hommage final, ils l’ont jeté dans la rivière Ulúa, de sorte que le courant le mènerait à l’océan d’où il est venu.
Cette aventure incroyable entre l’Européen Gonzalo Guerrero et les peuples autochtones, témoigne de la disposition de certains êtres humains, à s’ouvrir à l’inconnu, et à embrasser de nouvelles façons de vivre. Guerrero a su s’adapter et gagner sa place au sein de cette civilisation maya. Si la majorité des explorateurs, qui foulaient le sol de ces nouveaux mondes, s’était senti plus attentif et respectueux envers ces civilisations, au lieu de les piller, de les massacrer, et de les convertir de gré ou de force, à une nouvelle religion, l’histoire serait bien différente. Mais soyons réaliste, bien avant l’arrivée des Européens, les peuples préhispaniques, se faisaient déjà la guerre et s’entretuaient depuis des siècles.
Enfin, l’humain est comme ça !
Emmanuel HERMAIN, 3 juin 2024
Written by: A VLB
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