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Chroniques

Le Palais du Potala

today02/03/2025 11 14

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Imaginez, à 3700 m d’altitude, un palais perché au sommet d’une colline appelée Marpo Ri. Celui-ci domine la ville sacrée de Lhassa, au Tibet. Ses murs rouges et blancs s’élèvent majestueusement vers le ciel, en défiant les siècles et les tempêtes. Ce palais, c’est le Potala, l’un des plus grands symboles du pays. Mais c’est plus qu’un simple édifice, car il incarne 1300 ans d’histoire.

Il servait autrefois de résidence d’hiver aux Dalaï-Lamas et de centre politique et spirituel du bouddhisme tibétain. Son évolution est marquée par des phases successives de constructions, d’agrandissements et d’entretien pour sa préservation. Nous allons voyager dans le temps pour comprendre comment ce monument a vu le jour et comment il a traversé les âges.

Notre histoire commence au VIIe siècle, en 618, en plein cœur du plateau tibétain. Le Tibet est alors un royaume en pleine expansion, dirigé par Songtsen Gampo. Ce roi visionnaire unifie les tribus tibétaines, instaure le bouddhisme comme religion dominante, et fait de Lhassa sa capitale. Mais il ne veut pas simplement régner, il souhaite inscrire son nom dans l’histoire.

C’est alors qu’entre en scène la princesse Wencheng, envoyée par l’empereur chinois de la dynastie Tang, en gage d’alliance. Pour l’accueillir, Songtsen Gampo ordonne la construction d’un palais pour célébrer son mariage avec la princesse. Vers 637, un emplacement stratégique est choisi sur la colline Rouge, qui surplombe la ville. Il veut symboliser la puissance de son royaume et renforcer son influence politique et religieuse.

Selon la légende, le site est choisi sur les conseils d’astrologues, car il représente le cœur d’un démon dont il faut neutraliser l’énergie négative. Le premier Potala naît ainsi, abritant mille pièces, des temples et des bibliothèques. Il devient le centre névralgique du pouvoir tibétain, un lieu où politique et religion s’entrelacent. Mais cette première version du palais ne survivra pas aux guerres et aux siècles. Elle fut détruite en grande partie au IXe siècle lors du déclin de l’empire tibétain et de persécutions bouddhistes.

Le Tibet plonge dans une période troublée après la chute du premier Potala. Mais quelques siècles plus tard, le 5ᵉ Dalaï-Lama, qui est une figure hors du commun, va lui redonner vie. Nous sommes en 1642. Après avoir consolidé son pouvoir, le Dalaï-Lama souhaite asseoir son autorité. Il décide alors de faire reconstruire le Potala, mais cette fois, à une échelle bien plus grande. Il désire une résidence majestueuse, digne de sa fonction de chef spirituel et temporel du Tibet.

L’objectif est d’en faire un palais fortifié, combinant un centre politique, un lieu de résidence pour le Dalaï-Lama et ses moines, et un lieu de culte et de pèlerinage. C’est un lieu historiquement lié à la royauté tibétaine. La colline Marpo Ri est considérée comme un site sacré, avec des liens à la montagne Potala. Ce lieu fut la demeure légendaire d’Avalokiteshvara, le bodhisattva de la compassion, dont le Dalaï-Lama est considéré comme l’incarnation. Et sa hauteur offrait une protection naturelle contre d’éventuelles attaques.

Avec l’aide de son ministre Sonam Rapten et sous la supervision de milliers d’artisans et de moines, le projet débute en 1645. Imaginez l’effort titanesque que cela représente. Pourtant, les travaux avancent rapidement grâce à une mobilisation massive de plus de 7 000 ouvriers et de moines, avec le soutien de 1 500 artisans. Des milliers de yaks et de mules transportent les matériaux nécessaires. La pierre, le bois et l’argile proviennent des régions voisines du Tibet. Tous, sans exception, se relaient jour et nuit pour ériger cet immense édifice.

En 1649, le Palais Blanc est achevé. Il devient le cœur du pouvoir politique et administratif du Tibet. Mais le Dalaï-Lama veut aller plus loin. Il commence la construction du Palais Rouge, qui abritera des sanctuaires, les tombes des futurs chefs spirituels du Tibet, des temples, des bibliothèques et les Stupas qui contiendront les reliques des Dalaï-Lamas.

Lorsque le Dalaï-Lama meurt en 1682, à l’âge de 65 ans, son régent, Desi Sangye Gyatso, prend une décision audacieuse : il cache la mort du chef spirituel pendant 12 ans. Mais pourquoi ce choix ? À l’époque, le Tibet était dans une période de transition et de consolidation du pouvoir. Le 5ᵉ Dalaï-Lama avait établi un régime théocratique fort avec l’appui des Mongols, mais son influence reposait en grande partie sur sa personnalité charismatique.

Sa mort aurait pu fragiliser l’autorité tibétaine et provoquer des luttes de pouvoir. Le régent craignait que l’annonce de sa mort ne ralentisse ou n’interrompe complètement ce gigantesque projet. En gardant secrète sa disparition, il a pu maintenir la stabilité et assurer l’achèvement du palais. Plutôt que d’annoncer la mort immédiatement et de déclencher une course à la succession, il a pris le temps de trouver, éduquer et former le 6ᵉ Dalaï-Lama, Tsangyang Gyatso. Ce dernier, découvert en 1686, va grandir dans l’ombre jusqu’à ce qu’il soit officiellement révélé.

Il faut savoir que chaque nouveau Dalaï-Lama reçoit un nom spirituel donné par les hautes autorités bouddhistes lors de son intronisation. Ces noms varient mais incluent presque toujours « Gyatso », qui signifie « océan » en tibétain. Ce nom symbolise la profondeur et l’immensité de la sagesse qu’il incarne, dans son rôle de guide suprême et de maître du bouddhisme tibétain. Ce n’est qu’en 1694 que le Potala est entièrement achevé. Finalement, l’annonce officielle de la mort du 5ᵉ Dalaï-Lama est faite en 1697, en même temps que la présumée découverte de son successeur, alors âgé de 14 ans. Ainsi est minimisé l’impact politique de l’annonce et garantie une transition plus contrôlée.

Cette manœuvre, bien que risquée, a permis au Tibet de maintenir son autorité et de poursuivre sa consolidation politique sous une direction stable. Le Potala devient un véritable sanctuaire de la culture tibétaine. Chaque Dalaï-Lama y apporte sa touche, ajoutant des temples, des bibliothèques et des galeries de fresques. Le 7ᵉ Dalaï-Lama, au 18e siècle, construit de nouveaux temples et enrichit les collections de textes sacrés. Plus tard, vers la fin du 19e siècle, le 13ᵉ Dalaï-Lama, quant à lui, renforce la structure du palais après plusieurs séismes. Des peintures murales, des statues et des objets sacrés sont ajoutés pour renforcer le caractère spirituel du lieu.

Au XXe siècle, le Tibet fait face à une menace : l’invasion chinoise. En 1950, l’armée de Mao Zedong envahit le territoire tibétain. Le 14ᵉ Dalaï-Lama, Tenzin Gyatso, tente de négocier, mais en 1959, une révolte éclate à Lhassa. Il n’a d’autre choix que de s’exiler en Inde. Pendant ce temps, l’armée chinoise occupe le Potala. Le palais est menacé, mais il échappe miraculeusement à la destruction.

Durant la Révolution culturelle chinoise de 1966 à 1976, de nombreux temples et monastères tibétains sont détruits par les Gardes rouges de Mao. Mais le Potala, lui, est épargné grâce à l’intervention de Zhou Enlai, le Premier ministre chinois de l’époque. Il comprend que ce monument a une valeur historique inestimable et le protège. Cependant, le Palais perd son rôle de centre spirituel, car les autorités chinoises le transforment en musée. La vie religieuse devient strictement contrôlée, et de nombreux objets sacrés disparaissent. Les conséquences pour les Tibétains sont multiples et touchent plusieurs aspects de leur vie quotidienne, comme leur culture et leur identité.

Mais malgré tout, l’édifice reste debout, défiant le temps et les bouleversements politiques. En 1994, l’UNESCO reconnaît officiellement l’importance du Potala en l’inscrivant au patrimoine mondial de l’humanité. Cette reconnaissance permet de lancer des programmes de restauration et de préservation. Aujourd’hui, le Potala est ouvert aux visiteurs, mais sous de nombreuses restrictions. Bien que le Tibet soit toujours sous contrôle chinois, ce palais continue d’incarner l’âme d’un peuple et d’une culture millénaire. Ses murs portent les souvenirs des Dalaï-Lamas, des moines et des artisans qui l’ont façonné au fil des siècles.

Peut-être qu’un jour, il redeviendra le centre de la vie spirituelle tibétaine. En attendant, il veille silencieusement sur Lhassa, comme une sentinelle de pierre ancrée dans l’histoire et le mystère. Le bouddhisme tibétain est étroitement surveillé par les autorités chinoises. Toute expression de loyauté envers le Dalaï-Lama, exilé en Inde depuis 1959, est sévèrement réprimée. Posséder une photo de lui peut conduire à des arrestations.

Un système de surveillance massif est en place avec des caméras, des contrôles policiers fréquents et une censure stricte d’Internet. Les Tibétains vivant à l’étranger sont surveillés, et les contacts avec leurs familles restées au Tibet sont limités. Malgré la répression, l’esprit de résistance tibétain demeure. Le gouvernement tibétain en exil continue de plaider pour une autonomie réelle, tandis que des Tibétains en Chine et dans le monde tentent de préserver leur culture et de faire entendre leur voix.

Tenzin Gyatso, l’actuel 14e Dalaï-Lama, vit en exil à Dharamsala dans le Nord de l’Inde depuis 66 ans. Il reçut en 1989 le prix Nobel de la paix, une récompense pour avoir constamment œuvré à la résolution du conflit sino-tibétain par la non-violence. Il fêtera son 90e anniversaire en juillet 2025. Il ne montre aucun signe de santé déclinante et a déclaré avec humour qu’il se verrait bien vivre jusqu’à 113 ans.

Des premiers rêves du roi Songtsen Gampo au 7e siècle jusqu’à nos jours, le Potala aura traversé d’innombrables épreuves. Mais il continue d’inspirer ceux qui contemplent ses murailles.

Manu HERMAIN – 2 mars 2025

Écrit par: A VLB

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