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Chroniques

Roger WILLIAMS

today02/01/2025 5

Arrière-plan
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Dans l’Amérique du XVIIe siècle, marquée par la colonisation européenne qui bouleverse terres et cultures, un pasteur anglais se distingue. Fervent défenseur de la liberté de pensée et du respect, il parvient à établir des liens sincères avec les peuples autochtones amérindiens. Roger Williams naît en 1603 à Londres, dans une famille modeste. Son père, James, est tailleur, tandis que sa mère, Alice, joue un rôle clé dans l’éducation de leurs enfants. À cette époque, l’Angleterre jacobéenne est caractérisée par de fortes tensions religieuses. Dès son enfance, Roger se fait remarquer par son intelligence vive et son intérêt marqué pour la religion. Ces traits attirent l’attention de Sir Edward Coke, un juriste influent qui devient son mentor. Grâce à ce soutien, il a accès à des opportunités bien au-delà de ce que sa condition modeste aurait pu lui offrir. Il intègre Pembroke College à Cambridge, où il étudie la théologie et les humanités classiques. Pendant ses études, Williams se rapproche des puritains, un groupe religieux prônant une réforme radicale de l’Église anglicane. Cependant, ses idées vont encore plus loin, car il est fermement convaincu que la foi ne doit être imposée ni par l’État ni par aucune institution. Cette position, déjà controversée en Angleterre, le met en opposition avec les autorités religieuses et politiques de son temps. En 1629, à 26 ans, il épouse Mary Barnard, une femme pieuse et discrète qui l’accompagnera tout au long de sa vie. Ensemble, ils auront six enfants : Mary, Freeborn, Providence, Mercy, Daniel et Joseph. À cette époque, l’Angleterre devient de plus en plus hostile aux dissidents religieux. Les puritains, dont fait partie Roger Williams, perdent espoir quant à une réforme de l’Église de l’intérieur. En 1630, ils décident de quitter l’Angleterre pour échapper à la persécution religieuse, se tournant vers le Nouveau Monde où ils espèrent trouver la liberté de pratiquer leur foi. Ils rejoignent un groupe de puritains dirigé par John Winthrop, qui prépare une expédition vers la Nouvelle-Angleterre. Ce mouvement, connu sous le nom de « Great Migration », est animé par l’espoir de bâtir une société idéale en Amérique. Ce départ n’est pas seulement une migration géographique ; il marque une rupture définitive avec une Angleterre où la liberté de conscience est réprimée. Ce voyage, motivé par une quête de justice spirituelle et sociale, jette les bases de son engagement futur pour les droits humains et la tolérance religieuse.

Nous sommes en 1631, et toute la famille embarque depuis le port de Londres, qui est alors l’un des principaux points de départ pour les colons anglais. Ils voyagent à bord du navire Lyon, commandé par le capitaine William Pierce. Ce vaisseau robuste a déjà effectué plusieurs traversées transatlantiques. Les passagers, composés de plusieurs familles, apportent des provisions pour la traversée, incluant des aliments non périssables tels que des biscuits de mer, du lard, des pois secs et de la bière, car l’eau douce est difficile à conserver. Ils emportent également des vêtements adaptés pour se protéger durant la traversée de cet océan. Bien qu’ils aient été avertis des conditions difficiles qui les attendent en mer et à leur arrivée sur les côtes en hiver, ils se préparent à affronter une aventure périlleuse. Imaginez, 8 à 10 semaines de navigation dans des conditions souvent rudes. Les tempêtes fréquentes rendent la navigation dangereuse, et les passagers doivent supporter des conditions de vie à la limite du supportable. Les cabines sont exiguës, les gens souffrent du mal de mer, les enfants sont effrayés, et des maladies peuvent se propager rapidement à bord. Au cours de cette épreuve, les voyageurs endurent les caprices de la nature, alternant entre un océan calme et des tempêtes, tout en priant pour échapper à cet enfer qui semble interminable. Néanmoins, c’est le seul moyen d’atteindre la terre promise. Malgré ces dangers, le capitaine Pierce parvient, après plusieurs semaines, à mener son équipage et ses passagers à bon port sans incidents. Le 5 février 1631, le Lyon atteint la baie du Massachusetts, après une escale à Nantucket. Roger Williams, Mary et leurs enfants, soulagés, débarquent à Salem, où ils sont accueillis par les premiers colons puritains. Leur arrivée est bien reçue, car Williams est déjà reconnu pour ses idées et sa foi profonde. À Salem, ils s’intègrent rapidement à la communauté. Cependant, Roger est frappé par le contrôle strict exercé par les autorités religieuses sur la vie civile. Ses idées novatrices sur la séparation de l’Église et de l’État rencontrent rapidement des résistances. C’est ici qu’un nouveau chapitre de sa vie commence, marqué par ses luttes incessantes pour la liberté de conscience.

Roger Williams se distingue bientôt par son idéologie révolutionnaire. Il critique ouvertement la colonie du Massachusetts pour son absence de séparation entre l’Église et l’État ainsi que pour l’appropriation illégitime des terres autochtones. Ses prises de position radicales suscitent rapidement l’hostilité des autorités puritaines. En 1635, il est traduit devant le tribunal général de la colonie pour hérésie et sédition. Reconnu coupable, il est condamné à l’exil en Angleterre. Cependant, refusant de se soumettre à cette décision, Williams choisit de défier le verdict et de poursuivre son combat pour ses convictions. Les mois passent et, en janvier 1636, il est menacé d’arrestation et d’expulsion vers son pays d’origine. Pour protéger sa femme enceinte et leurs enfants, il décide de partir seul à la recherche d’un refuge et de liberté. Williams quitte Salem discrètement. Le voyage est périlleux, car il doit traverser une forêt dense en plein hiver, affrontant le froid glacial, la faim et une fatigue écrasante, voyageant principalement à pied. Toutefois, ses connaissances de la région et les liens qu’il a tissés avec des tribus locales, qui lui offrent hospitalité et soutien, lui permettent de survivre. Après plusieurs semaines d’errance, il atteint le territoire des Narragansetts, une puissante confédération autochtone située dans l’actuel Rhode Island. Les chefs Canonicus et Miantonomoh, leaders respectés de leur communauté, l’accueillent chaleureusement. Leur hospitalité ne repose pas sur une simple tolérance ; ils reconnaissent en Williams un homme érudit, sincère et respectueux, qui a pris soin d’apprendre leur langue et leurs coutumes lors de précédentes rencontres. Il ne se contente pas d’être un invité, mais s’efforce de bâtir une relation d’égal à égal avec eux. Contrairement à la majorité des colons européens, il reconnaît leur souveraineté sur leurs terres et refuse de les considérer comme des sujets de la couronne anglaise. Reconnaissant en lui un allié face aux pressions croissantes des colons anglais, les chefs lui accordent des terres pour s’établir. Sous leur protection, Williams pose les premières bases de ce qui deviendra la colonie de Rhode Island, un lieu fondé sur la liberté de conscience et la coexistence pacifique.

Conscient des tensions potentielles avec la colonie de Plymouth, il traverse la rivière Seekonk avant d’établir, en juin 1636, la colonie de Providence Plantations. Ce lieu, qu’il considère comme un don providentiel, devient rapidement un refuge unique pour ceux persécutés ailleurs pour leurs croyances. Sa famille le rejoint peu après, et Providence pose les bases d’une société novatrice, un lieu où toutes les confessions sont les bienvenues et où les terres sont acquises avec le consentement explicite des autochtones. Williams défend des principes révolutionnaires pour l’époque, tels que la liberté de conscience et la séparation de l’Église et de l’État, rejetant toute ingérence religieuse dans les affaires politiques. Grâce à sa maîtrise de la langue narragansett, il tisse des relations solides avec les chefs Canonicus et Miantonomoh, ce qui lui permet d’assister aux conseils tribaux et d’admirer les prises de décision fondées sur le consensus, un contraste frappant avec les hiérarchies européennes. Il participe également au commerce local, échangeant des outils en métal contre des aliments et des fourrures, et apprend les techniques agricoles locales, telles que la culture du maïs, des haricots et des courges. Bien qu’il soit chrétien, Williams refuse de convertir les Narragansetts, respectant profondément leur spiritualité et engageant avec eux des dialogues empreints de curiosité et de respect mutuel. Cette posture unique le conduit naturellement à jouer un rôle de médiateur lors de conflits entre autochtones et colons européens.

En 1643, alors que les tensions entre colons européens et peuples autochtones s’intensifient, Roger Williams écrit « A Key into the Language of America ». Cette œuvre littéraire témoigne de son immersion dans la culture narragansett. Ce livre, conçu comme un dictionnaire et un manuel linguistique, dépasse sa fonction première en offrant également une réflexion philosophique sur les valeurs, les coutumes et les croyances de ce peuple. Williams, qui avait appris la langue narragansett dès son arrivée parmi eux, utilise cet ouvrage pour démontrer leur humanité et la richesse de leur civilisation, à une époque où les autochtones étaient souvent méprisés ou déshumanisés par les colons. Chaque chapitre associe des expressions locales à des observations sur leur mode de vie, leur justice et leur spiritualité, révélant un profond respect pour ces hommes et femmes qu’il considère comme ses égaux.

Après des années de plaidoyers, c’est en 1663 que Williams obtient une charte auprès du roi Charles II, garantissant une liberté religieuse à Rhode Island. De nombreuses familles quakers, persécutées dans le Massachusetts, viennent lui demander asile. En prouvant son engagement pour une tolérance universelle, il les accueille et leur permet de s’installer sur cette terre providentielle. Cependant, la paix avec les autochtones va dramatiquement changer. Metacomet, surnommé « Roi Philip » par les colons anglais, est le chef des Wampanoags et déterminé à protéger son peuple et ses terres face à la colonisation croissante en Nouvelle-Angleterre. Il mène une guerre qui débute en 1675. Lors de ce conflit, la tribu des Narragansetts, qui avait jusqu’alors maintenu une position de neutralité, est entraînée dans les hostilités la même année après une attaque coloniale connue sous le nom de Great Swamp Fight. Leur village principal est attaqué et détruit. Malgré ses efforts, Williams ne peut empêcher l’escalade du conflit, mais il s’efforce de maintenir un dialogue pacifique avec les chefs tribaux pour limiter les destructions autour de Providence. Cette révolte sanglante contre les colons européens se solde par la mort de Metacomet en 1676, une défaite décisive pour les tribus autochtones. La fin de ce soulèvement scellera la domination européenne en Nouvelle-Angleterre. De plus, Mary Williams décède peu de temps après. Roger, désormais veuf, se remémore leur union, marquée par un soutien mutuel à travers les nombreux défis qu’ils ont affrontés, notamment l’exil, la fondation de Providence et les tensions croissantes entre colons et autochtones.

Cet incroyable pasteur s’éteint paisiblement vers l’âge de 80 ans en 1683, à Providence. Ses enfants perpétueront les idéaux de liberté religieuse et de justice pour lesquels il s’est battu. Enterré sur la propriété familiale, il laisse un héritage fort, symbole des principes de tolérance et de coexistence pacifique qui ont marqué sa vie et celles de ceux qui l’ont connu. Une légende raconte que les racines d’un pommier auraient absorbé ses restes, un récit bienveillant sur son union éternelle avec la terre qu’il a tant aimée et protégée. Pendant des millénaires, les peuples amérindiens ont vécu en harmonie avec leurs terres. Cependant, l’arrivée des colons européens a marqué le début d’un processus qui les a dépouillés de leurs droits, de leurs terres et souvent de leur culture. Ce drame génocidaire laisse un héritage douloureux que l’histoire continue de porter.

Emmanuel HERMAIN – 2 janvier 2025

Écrit par: A VLB

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